3 contes et quelques
Musée Angladon
À la manière des contes pour enfants librement adaptés d’après Charles Perrault, ce spectacle en plein air dans la cour du Musée Angledon est hilarant et riche de références actuelles.
L’auteur Emmanuel Adely a un humour puissant et décalé. Avec les mots simples des contes de fées, il retrace avec un humour dévastateur notre univers. Deux comédiens (Georges Campagnac, Pierre-Jean Étienne) sous le regard d’un troisième en costume, Perrault lui-même assis sur un beau fauteuil (Raphaël Sevet), jouent trois contes.

Le premier : « Peau d’huile » un conte dans le genre oriental d’un homme très très riche qui veut épouser sa fille, puis « Lou », un pastiche du Chaperon Rouge compliqué d’un prédateur sexuel, et « Serial Lover », un Barbe Bleu dans lequel la curiosité s’avère être un très très vilain défaut.
La mise en scène de Joël Flesel est singulièrement loufoque : un terrain de golf sur lequel un engin de chantier se balade et sous lequel sont déterrés des crânes et un blouson d’enfant.
Les textes sont aussi désopilants que les acteurs, un humour dévastateur qui revisite les thèmes cruciaux et insolubles de la nature humaine.
Le groupe Merci montre une fois de plus son originalité et la diversité de ses inspirations.
Cassandra
Théâtre Pixel
Une comédienne incarnant une Cassandre malgré elle aux prises avec Pôle Emploi. Une fable moderne. Coup de chance ou du destin, elle atteint la gloire en jouant l’héroïne d’une série télé très populaire. Courageuse et névrosée, elle deviendra par sa notoriété et le hasard des choses Présidente de la République.
Ce seule en scène de Manon Balthazard, une jeune femme remplie d’énergie nous promène dans les affres que connaît une actrice qui tente de s’extirper tout autant des codes contraignants d’un milieu cynique que « des pièges de la célébrité ou des illusions du paraître ».

D’après l’œuvre de Rodolphe Corrion
Adaptation et jeu de Manon Balthazard
Mise en scène Loïc Bartolini
Edith Piaf
Ba théâtre
Interprète : Nathalie Romier
Edith Piaf est née dans une famille appartenant au monde du spectacle depuis deux générations : son père est artiste acrobate et sa mère chanteuse lyrique de cabaret puis artiste de rue. Dès l’âge de 9 ans, la môme Piaf révèle son talent et sa voix d’exception. Elle chante des valses, des tangos, des javas et reprend les chansons réalistes de Fréhel qu’elle interprète à l’aide d’un porte-voix dans les rues et les cours. Repérée par Louis Maitrier, pianiste de Jazz, puis par Jacques Canetti qui lui fait enregistrer son premier disque, elle rencontre Marguerite Monnot, dite Momone, sa fidèle grande amie, qui l’accompagnera tout au long de sa carrière et composera les musiques de Mon légionnaire, l’Hymne à l’amour, Milord, Les Amants d’un jour, etc.
Star de la fin des années 30, Piaf triomphe au music hall et au théâtre.
En 1961, à la demande de Bruno Coquatrix, Édith Piaf donne à l’Olympia, une série de concerts, parmi les plus mémorables de sa carrière.

C’est ce concert devenu culte que Nathalie Romier, grande interprète de Piaf depuis des années nous fait revivre avec toutes les chansons dans leur ordre de passage et avec la même scénographie. Dans un film réalisé à l’époque, on revoit Bruno Coquatrix et ses amis. L’Olympia, menacé de disparition à cause de problèmes financiers, a été sauvé grâce à cette série de concerts, particulièrement émouvants car Edith Piaf était très malade et le public sentait bien que c’était peut-être la dernière fois qu’il la voyait.

Elle interprète « Non, je ne regrette rien », une chanson qui est devenue célèbre dans le monde entier ainsi que : « Allez, venez Milord », reprise par toute la salle, puis « Moi j’essuie les verres au fond du café », « Paname », etc.
Même si elle ne composait pas toutes ses chansons, Piaf participait à leur création, sachant bien ce qu’elle voulait.
Je ne me rappelais plus la beauté et la simplicité de ces textes, souvent des petites histoires tristes bien tournées et d’une grande poésie.
Qu’elles sont belles ces chansons !
La beauté sauvera le monde
de Barbara Castin
mis en scène par Pierre Boucard
Théâtre des Corps Saints
A son enfant qui ne dort pas, sa mère lui raconte le monde d’avant où il y avait des jardins, des paysages verdoyants sous des ciels étoilés. Elle se remémore des moments de sa vie où elle a été d’abord une grande scientifique se battant contre l’agro-industrie. Elle travaillait à l’époque sur les insectes pollinisateurs dont 70 % ont disparu alors qu’ils sont essentiels pour le vivant, puis sur les neo-corticoïdes, un poison permanent pour la terre. Son combat contre l’extinction de masse des espèces vivantes est en même temps une déclaration d’amour à la terre.


Sacrifiant son désir d’enfant, Barbara Castin a tout fait pour tenter d’alerter le monde : publications, prises de parole, manifs (elle est surnommée la passionaria des abeilles) avant de comprendre que ce n’est pas la meilleure façon de s’y prendre pour faire changer les choses et qu’après tout, seule la beauté changera le monde. La beauté qui apaise, restaure l’harmonie, ouvre le cœur au désir de connaître.
Un texte très dense, implacable qui en même temps répond à tous les détracteurs cyniques.
Barbara Castin est solaire, vraie, intense, délivrant des moments poétiques suivis de critiques acerbes.
Du théâtre intelligent, qui réveille, fait réfléchir tout en étant du vrai théâtre
Mardi à Monoprix
BA Théâtre
Thierry de Pina évoque la relation émouvante d’une fille avec son père.
Après le décès de sa mère, tous les mardis, Marie-Pierre passe ranger la maison. Ils n’ont pas grand chose à se dire, mais évoquent des souvenirs, parlent de l’actualité. Ils vont ensuite à Monoprix faire les courses pour la semaine.
Une histoire banale et émouvante sauf que Marie-Pierre s’appelait Jean-Pierre à sa naissance. C’est maintenant une belle femme qui porte de grandes boucles d’oreilles, et attire le regard. Même si son père a du mal à comprendre et à l’accepter, on entend ses interrogations, son malaise.

Ce spectacle d’Emmanuel Darley pose des questions importantes sur le sentiment d’être un autre ou une autre, dans un corps où on ne se reconnaît pas, sur les discriminations subies, et sur le long chemin à faire pour trouver sa place dans la société. Le texte est sensible, direct, juste et l’interprétation de Thiery de Pina sobre et émouvante.
Metteur·se en scène : Collectif Ah le Zèbre !
Costume de Jean-Paul Gaultier

Jean Moulin, d’une Vie au Destin
Au Palace
Commandée par le musée de la Libération de Paris, la vie de Jean Moulin est racontée en une heure à un rythme effréné par trois garçons et deux filles.
Dans une mise en scène dynamique, ils interprètent tous plusieurs rôles pour incarner les différentes personnalités qui ont croisé la vie du célèbre résistant.
La pièce de Mathieu Touzé pourrait être la vision d’une jeune génération décomplexée face à une icône historique.
Interprètes : T. Dutay, Léo Gardy, Manon Guilluy, Pauline Le Meur, Elie Montane
Être peintre
Tatiana Vialle
d’après des lettres de Nicolas de Staël
Avec Telma Bello, Mathieu Touzé
Une mise en scène originale pour ce spectacle qui parle de peinture, de création et de transmission artistique.
Le spectacle commence quand un enseignant en art (qui connaît bien son métier) s’adresse aux spectateurs comme à des étudiants. Un dialogue s’instaure alors avec une jeune étudiante un peu perdue.
Pour répondre à sa question : « qu’est-ce qu’être artiste ? », il lui fait lire des lettres écrites par Nicolas de Staël.

La première réponse serait l’inévitable et indispensable nécessité intérieure : « Toute ma vie, j’ai eu besoin de penser peinture, de voir des tableaux, de faire de la peinture pour m’aider à vivre, pour me libérer de mes impressions, de toutes les sensations, de toutes les inquiétudes auxquelles je n’ai trouvé d’autre issue que la peinture ».
La seconde pouvant être : « Le vertige et le doute », qui ne cessent l’interroger l’artiste.
Ces lettres donneront à l’étudiante son sujet d’étude qu’elle peinait à trouver : filmer son enseignant lisant des lettres de Nicolas de Staël où il évoque son art mais aussi sa vie intime.
Pendant leurs échanges, la calligraphe Juliette Baigné trace des traits et des mots sur de grandes feuilles qu’elle accroche sur le mur noir du fond de scène comme pour une mise en abîme des œuvres de Nicolas de Staël.
Mise en scène de Tatiana Vialle
Avec Telma Bello et Mathieu Touzé
Van gogh Famandine
Théâtre de l’Atelier Florentin
Pour mettre en scène la lecture de quatre lettres de van Gogh, Laurent Lafuma utilise un rituel funéraire malgache : la Famadine (où pour célébrer un ancêtre ses os sont déterrés, portés à travers le village, honorés par des libation et des cadeaux avant d’être réenterrées dans un linceul neuf).
Ces lettres choisies au milieu des quelques 800 lettres écrites par l’artiste montrent la profondeur de sa pensée, son approche de la couleur et les problèmes à résoudre pour représenter un paysage à partir d’une palette de couleurs.

La sensibilité et la diction du comédien nous fait pénétrer dans le monde de cet artiste qui a été en même temps un immense écrivain.
Mise en scène : Salomé Laloux-Bard
Elizabeth Costello. Sept leçons et cinq contes moraux
D’après l’œuvre de J.M. Coetzee
Au Palais des papes
Inspiré par le personnage de romancière imaginé par le Prix Nobel de littérature 2003 J.M. Coetzee, Krzysztof Warlikowski explore les névroses des hommes, à la fois victimes et complices de systèmes corrompus.
Sur la scène de la cour du Palais des Papes, dans une mise en scène grandiose comprenant les personnages réels et la projection en direct à différentes tailles de leurs silhouettes ou de leurs visages, se jouent « sept leçons et cinq contes moraux ».
Victimes ou bourreaux, maîtres et esclaves, innocents et coupables, athées et croyants, débattent et se battent dans un monde où cynisme et pessimisme dominent.
« Je suis juste quelqu’un qui, comme tout prisonnier enchaîné, a des intuitions de liberté et qui construit des représentations de gens laissant tomber ces chaînes et tournant leurs visages vers la lumière. »
Avec Mariusz Bonaszewski, Andrzej Chyra, Magdalena Cielecka, Ewa Dałkowska, Bartosz Gelner, Małgorzata Hajewska-Krzysztofik, Jadwiga Jankowska-Cieślak, Maja Komorowska, Hiroaki Murakami, Maja Ostaszewska, Ewelina Pankowska, Jacek Poniedziałek, Magdalena Popławska
Texte d’après Elizabeth Costello, L’Homme ralenti, L’Abattoir de verre deJ. M. Coetzee
Mise en scène Krzysztof Warlikowski
