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Mathieu Dutemps a toujours aimé dessiner. Il était même plutôt doué. La perspective ne lui a jamais posé de problèmes, mais il lui a fallu attendre longtemps avant que son désir de création ne s’exprime.

Lecteur de BD (Hergé, Blake et Mortimer, Titeuf…), il a tenté quelques planches, mais sans suite. Dans le cadre d’études d’ébénisterie, il a dessiné et fabriqué quelques meubles : guéridons, commodes à tiroirs et une super « table à mignardises » de style Louis XV réalisée lors d’un stage dans les sous-sols du Negresco. Il obtient son CAP, mais confronté à la penderie classique et au mélaminé, il ne donne pas suite à cette formation. Une année de psycho à la fac et un stage d’aide-soignant en psychiatrie à l’hôpital Pasteur vont le décider à poursuivre cette activité. C’est l’humain et la création qui l’intéressent. 

Il travaille depuis maintenant cinq ans aux urgences psychiatriques où arrivent chaque jour des patients en crises porteurs de troubles qu’il faut traiter avant de les diriger dans des services plus spécialisés.

Pendant la pandémie, comme tous les soignants, il travaille, mais si les soins médicaux ont explosé en mettant à mal des services, elle n’a étonnement pas entraîné une hausse importante des soins psy. En revanche, l’isolement à la maison, la solitude après le travail le poussent à reprendre son crayon. Il réalise que le dessin en noir et blanc avec un simple crayon graphite suffisent pour créer des émotions. Et la couleur ne lui plaît pas… 

Il s’attaque à un portrait de profil, son premier autoportrait, fait des études de textures, dessine une feuille d’arbre assez réussie, et commence à faire de sérieux progrès dans la technique. Il se créé un réseau d’artistes hyperréalistes sur Instagram, évolue en autodidacte en observant le travail d’autres artistes. Il approfondit ses connaissances pour trouver ses propres techniques. 

Premier autoportrait, crayon sur papier, 2020, A3,

Son désir d’« inviter à examiner l’œuvre plus qu’on ne le ferait avec une véritable photographie » est atteint. Sachant que c’est un dessin, on la regarde autrement, on cherche les détails, on admire la précision du trait, sa finesse, la subtilité et la sophistication de l’expression.

Ses portraits sont de dimensions imposantes (60x80cm en moyenne) car, dit-il : « plus c’est grand, plus je peux ajouter une foule de petits détails ». 

Royaume intérieur, 2023, crayon graphite sur papier, 84x66cm


Au-delà du défi technique, le dessin raconte l’instant et l’émotion qui s’en dégage. Pour être plus réaliste qu’une photo, le dessinateur doit en dire davantage, révéler des aspects que la photo ne peut atteindre, ajouter une dimension supplémentaire que les peintres portraitistes comme Modigliani veulent insuffler au visage : « l’âme du modèle ». Il y a d’ailleurs dans les portraits de Mathieu comme de ceux de Modigliani une certaine mélancolie, un sentiment d’absence, de solitude, de « banalité de l’absurde ».

« Nouveau jour » 2022, crayon graphite sur papier, 72×56 cm


Un autre thème passionne l’artiste : le balcon. Pas le grand beau balcon, mais celui de style HLM : une forme simple, des volumes qui s’ajoutent, extérieur et intérieur, donnant à voir un peu de l’intime, il peut être le reflet d’une vie. Il suscite chez l’artiste la curiosité et la créativité. 

« 14 heures », 2023, Crayon graphite sur papier, 74x54cm


Demandez à Mathieu Dutemps de vous parler du balcon, le sujet le passionne : symbole d’un paradoxe, frontière entre privé et public… 

Il a de nombreux projets de dessins de balcons, mais comme chaque dessin lui prend plusieurs mois (un instant arrêté… qui dure des mois), et qu’il a actuellement en cours un superbe portrait de petite fille aux joues rondes – peut-être le plus beau de ses portraits (troublant !), les balcons attendront. En attendant, il dispose de quelques portraits et d’un balcon en vue d’une prochaine exposition. 

A suivre donc.

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