Le Misanthrope à tout prix (création 2025) Théâtre du Tremplin
Un misanthrope au carré. Un couple de comédiens ayant entrepris de monter le Misanthrope de Molière s’incarnent et s’identifient malgé eux aux personnages, comme dans une mise en abîme. Ça se complique par le fait que Célie est pressentie pour jouer le même rôle dans un film, ce qui pour son compagnon est ressenti comme une trahison, va évidemment poser de graves problèmes à leur couple.
Comment créer à deux sans heurter les égos et les valeurs de chacun ? Quels rôles joue l’argent indispensable et donc les compromissions nécessaires pour monter une pièce ?
Ce spectacle allie le langage de Molière à celui contemporain des acteurs qui passent de l’un à l’autre dans une grande fluidité, tout en démontrant l’intemporalité du Misanthrope.

Douze – La maison de la parole
Pourquoi ne pas parler et écrire en alexandrins ? Cela apporterait une certaine détente dans les relations humaines, car obligerait chacun à réfléchir aux mots qu’il s’apprête à prononcer — et donc aussi au sens de son discours.
Si les femmes et les hommes politiques débattaient eux-mêmes en alexandrins, prononceraient-ils autant de phrases péremptoires ou agressives ? La vie ne serait-elle pas plus sereine, plus fluide, plus drôle, plus poétique ? Plutôt que des conflits, nous aurions des joutes oratoires où chaque mot rimerait avec originalité.
Accompagné par la musique de Soliman Brouillaud, ce seul-en-scène de Jean-Pierre Brouillaud offre un moment calme, une parenthèse enchantée, littéraire et musicale.

Tel le fleuve rencontre la mer – Chapelle des Antonins
Sans doute le spectacle le plus émouvant d’Avignon cette année. On en sort bouleversé, les larmes aux yeux.
Mis en scène et joué par Léa Corbex, cette pièce : Tel le fleuve rencontre la mer, raconte les destins de trois familles entre Tchétchénie, France et Espagne. Trois histoires sont tressés : deux adolescents fuyant la dictature sans pitié de leur pays, un jeune Parisien quête de ses origines, et Madame Lola, vieille chanteuse de flamenco en perte de mémoire, abandonnée par sa fille dans un ephad.
Au delà des parcours troublés de chacun, la pièce interroge les notions de liberté, de transmission et de mémoire « tout en croisant des thèmes universels tels que l’adolescence, la migration, l’homosexualité, la vieillesse et les liens familiaux ».
Ce spectacle célèbre la complexité des parcours de vie et la puissance du théâtre comme outil de compréhension du monde.
La compagnie prône « une démarche collective mêlant recherche dramaturgique et création interdisciplinaire, avec des comédiens venus de différents horizons. Pour Léa Corbex, le théâtre est un espace de partage d’histoires, d’émotions et de réflexion sur les cultures plurielles de notre temps ».

Une histoire de la musique en 70 minutes de Julien Joubert
Un musicologue, compositeur et grand pédagogue jubilatoire nous raconte l’histoire de la musique. De la préhistoire (Néanderthal jouait de la flûte et tapait sur des bois creux) à la création contemporaine, la musique n’a cessé d’être jouée depuis quelques 50 à 100 000 ans.
C’est au moyen-âge qu’on commence à l’écrire pour en garder la mémoire, elle est alors monodique, c’est à dire d’une seule voix, les chanteurs chantent tous la même ligne mélodique et sans intruments, ce qui lui donne un caractère fluide, mystique et apaisant.
Sylvain Joubert nous relate l’histoire de la musique de manière particulièrement vivante et passionnante. Entre passages comiques et interactions avec les spectateurs qu’il fait chanter, il rend la musicologie accessible à tous.
Mêlant anecdotes, démonstrations au piano, au violoncelle et réflexions sur le rôle de la musique dans l’histoire de l’humanité, nous sortons enrichis de ce spectacle, bien déterminés à approfondir ce que nous avons appris, et, bien sûr, à écouter encore plus de musiques.

L’Éducation de Rita (création 2025) Théâtre de l’Adresse
C’est une adaptation d’une très célèbre comédie de Willy Russell, scénariste et acteur anglais. L’Éducation de Rita raconte la rencontre entre Rita, une coiffeuse curieuse de littérature et de culture, et Frank, un professeur d’université désabusé et alcoolique. Deux mondes s’affrontent et les cours donnés sont rapidement assimilés par Rita qui se transforme peu à peu, obligeant Frank à sortir de sa torpeur.
Tout en mettant en valeur l’importance de la culture et de la tranmission, la pièce œuvre pour le rapprochement social enrichissant mutuellement les deux mondes. Maxime-Lior Windisch et Owen Doyle sont authentiques et les dialogues très pertinents.
Plus jamais Mozart (création 2025) Fabrik’Théâtre

« Plus jamais Mozart » est une adaptation émouvante du roman aglais de Michael Morpurgo, auteur de très nombreux livres traduits dans le monde entier.
Trois comédiens et un musicien nous font vivre un épisode tragique de la terrible hstoire de la shoah où les musiciens juifs des camps étaient obligés de jouer du Mozart à l’arrivée des trains de la mort. Un violoniste qui a pu survivre à cette tragédie qui s’est promis de ne jamais plus jouer a transmis cette promesse à son fils, devenu un célèbre violoniste.
Une jeune journaliste qui doit venir l’interviewer a eu pour consigne stricte de ne pas prononcer devant lui le nom de Mozart. Elle est jeune et inexpérimentée, mais vive et sensible, aussi le virtuose se laisse aller à lui raconter la vérité, d’autant que son père vient de mourir et qu’il est délivré de cette interdiction.
Un violoniste accompagne ce dialogue, rajoutant une profonde émotion à ce spectacle.
A NÔ AMOURS de Yukio Mishima

Traduit par Marguerite Yourcenar, cette pièce est issue du Théâtre Nô, un theâtre traditionnel japonais très stylisé utilisant des danses, des chants et des masques.
Le spectacle met en scène trois personnages dont une jeune femme alitée et endormie qui souffre de troubles psychiatriques. Auprès d’elle, son mari, un beau jeune homme, et une femme plus âgée qui a été son ancienne maîtresse.
Se jouent alors des scènes mêlant dialogues, danses en masques d’apparat et belles robes. Les textes subtils, chargés de confidences et de reproches, explorent les méandres du désir et de la folie.
L’Hotel du Pin Sylvestre à l’Oriflamme

Dans ce spectacle chanté et dansé par des comédiens énergiques, une enquête sur un tableau volé, emblême de l’hôtel, est diligentée. Qui a volé ce tableau et pourquoi sert de trame à un déploiement jovial de chansons.
Entre comédie musicale et opérette, dans un décor sympathique de hall d’hotel des années 60 ont lieu les intrigues, des courses, des bagarres, chorégraphiées et chantés avec talent et convivialié.
Le Message (création 2025) Théâtre Les Barriques, texte d’Andrée Chedid

Dans un pays en guerre, on ne sait pas exactement lequel, symbole de la folie des hommes, une jeune reporter photographe est touchée par un sniper. Deux femmes fuyant elles même leur quartier en ruines la trouvent gisant à terre et tentent de la sauver.
Deux autres personnages clés de cette barbarie où le monde n’a plus de sens sont un sniper un peu perdu et fanatisé qui croit défendre son quartier, et le compagnon de +absolument rejoindre.
La scénographie originale composée de voiles transparents où sont projetés des images fugitives et les acteurs en contre-jour ajoute à la tension d’un texte puissant et émouvant déplorant l’inhumanité des hommes.
Vermeer et son faussaire à l’Oriflamme
Les histoires de faux dans les peintures et les œuvres d’art sont toujours passionnantes. Elles révèlent des mystères et des personnages étonnants. Ainsi Han van Meegeren, ce peintre du XXe siècle a réussi à tromper les plus grands experts et les musées contiennent encore très probablement des faux Vermeer, car s’il s’est dénoncé pour certains, il n’a peut-être pas tout dit…
Le spectacle présente sur scène un directeur d’un musée important (Courtaud institute) et ce fameux faussaire, un peintre très doué mais peu reconnu pour son propre talent. S’initiant aux techniques anciennes, utilisant de vieilles toiles et d’anciens pigments qu’il prépare lui-même, il sait vieillir et faire craqueler les toiles (au four) et leur donner l’apparence de peintures qui ont plusieurs siècles. On apprend d’ailleurs qu’il aurait vendu à Goering (qui a pillé les musées et les collectionneurs juifs) une toile attribué à Vermeer dont Hitler était aussi un admirateur.
Le dialogue entre ces deux hommes que tout devrait opposer est savoureux et rempli d’informations édifiantes. Ce spectacle, entre humour et histoire de l’art nous offre un très agréable moment.

« Rimbaud, Cavalcades ! » à La Tâche d’encre
L’épidémie du Covid a entraîné des mutations et des remises en questions pour beaucoup d’individus. Ainsi Romuald, un ancien graphiste qui gagnait bien sa vie, fait un burn out qui dure plusieurs mois. Interdit bancaire, ruiné, c’est en vidant sa maison qu’il retrouve un livre de Rimbaud offert par son assistante au moment où il a disjoncté et démisionné, car il a crié comme Rimbaud, mais sans le savoir : « Je vais acheter un cheval et m’en aller ! »
La lecture répétée du Bateau Ivre et de toutes les œuvres du poète l’ont transformé en un « rimbaldien » passionné qui achète un vélo et se lance sur les traces de son idole, ponctuant son récit de larges citations et finissant, bien sûr, par le plus célèbre de ses poèmes.
Un one-poète show qui revisite la vie de Rimbaud avec sincérité et émotion, évoquant ses jeunes années à Charleville, sa lumineuse période parisiennes de poète « voyant ».
De : « Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute » à : « Que ma quille éclate et que j’aille à la mer », il a écrit parmi les plus belles poésies de la langue française ».
Mais qu’allait-il faire à Jakarta, à Aden, que cherchait-il à Harare, pourquoi cette fuite éperdue de soi-même. Comment un jeune poète au faîte de sa gloire s’est-il transformé en aventurier ? Les énigmes Rimbaud sont toujours présentes et l’ex-graphiste en a fait un spectacle touchant et en même temps plein d’énergie. Il nous propose une belle promenade dans la vie et l’œuvre du jeune prince des poètes et nous donne envie de nous plonger comme lui dans cette œuvre aux profondeurs infinies.

Moby Dick à la Condition des Soies
Un spectacle puissant, bruyant, fiévreux, qui fait peur, une mise en scène incroyable, des voix furieuses, féroces, terribles, un naufrage cinématographique vécu en direct avec des moyens très simples utilisés avec intelligence, jamais je n’ai vu de spectacle théâtral aussi fort. Amatrices et amateurs de vraies émotions, d’histoires de marins, ne ratez pas ce « spectacle » total !
C’est bien sûr l’histoire du capitaine Achab, de son obsession de tuer Moby Dick, la terrible baleine blanche née de l’imagination de Melville qui a été ici adaptée. Quatre acteurs sont présents sur scène qui donnent l’impression qu’ils sont une dizaine. Les personnages et les actions sont « dessinés » avec une grande efficacité dramatique. On s’y croit, on est avec eux sur cet autre « bateau ivre », porté par la haine et les bourrasques de vent et de mer. Les caractères sont bouillonnants et même le jeune et gentil garçon récemment embarqué, va se doter d’une épaisse personnalité. C’est un spectacle vraiment moderne, nourri de cinéma et de super héros. A ne pas manquer, vous dis-je !

Cœur à cœur à l’Oriflamme
Comment donner la parole aux organes d’un corps humain ? William Rageau s’y emploie avec énergie, vivacité et humour. Il se met à la place des principaux organes et les fait dialoguer entre eux. Le spectacle commence par une naissance difficile, celle de Guillaume, et de son corps qui s’organise pour le défendre. B
Entre un cerveau qui réfléchit trop, un cœur un peu lent à démarrer, un estomac, un intestin, une collaboration active est mise en œuvre.
Un texte incisif, poétique et documenté nous raconte les aventures inconnues d’un corps humain qu’on préfère imaguner silencieux et qui pourtant parle.

Gabor et les chapeaux rouillés au Cinévox
Un spectacle total entre cirque, théâtre, cinéma, show musical. Nous sommes vite immergés dans l’étrange univers post apocalyptique de Gabor, un homme-machine couvert de signes, d’engrenages, de montres, etc., qui a été fabriqué par son génie de père juste avant de mourir.
Gabor part à la découverte de l’humanité qui se trouve être dans la salle.
À bord de sa machine volante appelée Harmonie, accompagné musicalement par des amis imaginaires, les Chapeaux Rouillés, présents sur des écrans, Gabor chante de belles et sensibles chansons célébrant l’humanisme en quête d’un monde bienveillant.
Nous voguons dans une fantasmagorie éblouissante, des bulles colorées de lumière tombent du ciel, les bateleurs et musiciens parcourent la salle et font participer le public.
Entre Magic Circus, Higelin et Tim Burton, ce spectacle généreux, positif, emmerveillant, nous offre un moment hors sol très agréable et en on sort avec des étoiles dans les yeux.

Rêve au Chêne noir
Le Cirque Inshi en exil (“Inshi” signifie “autre” en ukrainien) met en scène de jeunes danseurs et acrobates du cirque traditionnel ukrainien dans une chorégraphie ultra-moderne et sensible. Ces beaux jeunes hommes et ces belles jeune filles au faîte de leur art et de l’épanouissement de leurs corps d’une souplesse impressionnante, offrent des scènes étonnantes de tableaux vivants se mouvant dans l’espace. La scénographie est particulièrement épurée : décor noir, vêtement des danseurs noirs et blancs, seuls des cerceaux d’un rose étincellant et vibrant apportent une note colorée.
Khafizov, le metteur en scène propose ici un spectacle puissant fait de non-dits et d’actions intenses exprimant la résistance, la solidarité et la puissance d’un groupe humain face à l’adversité.

Le Héron à la Maison de la parole
Un moment musical très agréable, intime et calme où l’homme héron, nom de scène de Stéphane, nous invite à prendre de la hauteur pour observer un monde fait de tensions mais aussi de beauté. Il nous fait prendre conscience entre autres qu’avoir de l’eau au robinet et de la lumière à la demande et à volonté est une chance.
Des jolies musiques chantées avec douceur et générosité, des textes engagés poétiquement et socialement nous invitent à la rêverie. Un bon endroit pour finir la soirée.
