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Brest est une ville étonnante. Sous une pluie presque incessante, nous n’avons pas eu besoin de prendre un bateau pour nous faire constamment gifler par des rafales de vent humide et glacé. La ville qui encadre la Penfeld, son fleuve, est un mélange de bâtiments médiévaux (le château, les murailles, la Tour Tangui) et d’architecture brutaliste de béton – il a fallu vite rebâtir la ville après la guerre, trop vite, à coups de grandes avenues qui se croisent perpendiculairement et d’immeubles alignés genre « soviétiques ».

Entrée de la ville 


De temps en temps, un coin de ciel bleu et un rayon de soleil oblique qui arrive à percer la mer de nuages éclaire les rues. On découvre que le port, du coup, a un certain charme. Les anciens bâtiments industriels immenses qui le bordent ont été pour certains, réhabilités et consacrés aux loisirs, à la culture, au cinéma, à l’escalade et bien sûr à l’art. Ici, les artistes ont des lieux immenses pour s’exprimer.
« Les Capucins » où sont encore présentes d’impressionnantes machines industrielles font bon ménage avec le bateau de l’Empereur, les starts-up, les gens circulent en patin à roulette ou promènent leurs enfants (au chaud).

Venus pour la présentation film Bacon/Ernest, nous en avons profité sur les conseils d’Yvette Ollier-Pignon et de Marie-Pierre, la directrice du FHEL, de faire la visite d’une partie de la côte à Brigognan et ses environs (Meneham et Pontusval). La côte est très belle avec ses énormes rochers et son phare construit afin de signaler l’entrée dans la baie de Brignogan aux nombreux bateaux qui y passent (ses habitants ont eu une réputation de naufrageurs, sans doute exagérée). Au sommet d’un grand rocher une croix de pierre.


Avant de partir, nous avons visité deux lieux consacrés à l’art contemporain.



Le Comoedia 

L’exposition actuelle est consacrée à dix femmes streetartistes. À commencer par la regrettée Miss Tic, la pionnière française avec son œuvre : « Séduire : la passion de jouer et d’être jouée ».


Elle a influencé nombre de jeunes femmes qui grâce à elles, se sont autorisés à s’exprimer avec force dans la rue.  Les textes décalés et les aphorismes de Petite Poissonne lui doivent sûrement quelque chose. C’est de ses carnets que sont extraites les phrases qu’elle colle sur les murs ou sur des objets du quotidien (assiettes, photos anciennes, montres, journaux) : « Aucun sujet n’est prémédité, j’écris et dessine sur les choses qui me touchent : peu importe donc au départ qu’elles soient personnelles, amoureuses, politiques, indignées, légères ou engagées. » Il y a beaucoup de liberté, d’humour et d’intelligence dans son travail. 


Autres découvertes intéressantes : Foufounart qui réalise de jolies vulves avec perle encadrées (en céramique), 


Lady K., qui tague à toute vitesse et au vu de tous, son nom et le chiffre 156 dans les rues (Pourquoi 156 ?), les bustes en raku de Mélanie Bourget, les grandes peintures mêlant figuratif et abstrait de Sêma Lao, l’abstraction très graphique de Lady M, les murs colorés de Caroline Derveaux (très colorés) et ceux de Julia Forma (grands formats en référence aux formes féminines) et enfin les sculptures hyperréalistes de Stéphanie Kilgast. Chacune d’entre elles mériterait un plus long développement, mais vous les trouverez aisément sur Internet (elles sont toutes déjà connues). 


Originalité : les œuvres de ces dix artistes (et d’autres) sont proposées à la vente (à des prix tout à fait abordables).

La Passerelle, centre d’art contemporain 

Autre lieu, un ancien site industriel de 4000 m² en plein cœur de Brest. Ouvert à la création actuelle, plusieurs expositions y sont présentées tout au long de l’année, ainsi que des performances (le samedi). A la marge des institutions, La Passerelle été créée par un groupe d’artistes désirant montrer la création en cours dans des espaces où la plus grande liberté artistique est possible.

Deux expositions étaient en cours, très différentes : 

« The other square with no corners » de Rafael Domenech, un cubain vivant à Miami, passionné par l’esthétique relationnelle. En acceptant l’invitation, il a cherché un dialogue qui restait à définir. Lors de balades dans la ville, marqué par la profusion de messages engagés dans le quartier Saint Martin où se situe Passerelle, il a tenté un dialogue entre ces formes liées à la rue et les livres qu’il collectionne. Avec ses Totems de papiers, ses œuvres murales, ses livres découpés, l’exposition se décline en plusieurs chapitres, visant à partager une expérience à la fois intime et touchant au social.

Autre exposition intéressante (dans le cadre de la saison france-portugal 2022)

Les Chasseurs de Tempêtes de Paulo Arraiano, Rebecca Brueder, Josèfa Ntjam, Pedro Valdez Cardoso (commissaire de l’exposition : Alice Bonnot)

Cette exposition nous alerte sur les milliers de tonnes de pétrole transportées par d’immenses navires au large des côtes d’Ouessant, en Bretagne, « là où les courants turbulents de l’Atlantique rencontrent ceux de la Manche — un endroit connu des marins comme étant la route maritime la plus fréquentée ». Pour que ne se produisent plus les catastrophes comme celle de l’Amoco Cadiz, les Chasseurs de Tempêtes sont les courageux marins qui naviguent sur les eaux tumultueuses de l’océan pour prévenir les catastrophes humaines et écologiques. 


La mondialisation et la pollution ont créé des matières nouvelles, mélanges de produits industriels et de matières vivantes comme les Briquomerates (composées de brique, de mortier, de sacs en plastique, d’eau, de fils de nylon) qui tapissent aujourd’hui les sols maritimes ou circulent entre deux eaux. L’exposition explore les différentes manières de trouver en accord avec les océans l’intelligence qui nous permettait de nous défaire des dégâts de l’anthropocène.


Comment danser librement sur une musique brutaliste ? C’est la performance d’une jeune danseuse qui n’a pas lésiné sur ses efforts. Née à Athènes, Katerina Andreou est danseuse, chorégraphe et musicienne, vivant en France. Dans ses performances, elle tente un geste libre une danse sans préméditation où elle peut aller au bout de ses intuitions de l’instant. Impressionnant !

« Poursuivant ma recherche sur la possibilité de mettre en scène le libre arbitre, je détourne mon attention de la source de ma danse pour observer sa nature complexe au moment où elle se produit. Et si ce qui comptait vraiment n’était pas dans l’origine des choses mais plutôt dans leur fonction ou impact final ?
Cette question m’a conduit à travers différents territoires, dont le milieu de la house dance, notamment en ce qui concerne sa pratique du mélange et son rapport à l’origine et à l’originalité.
BSTRD est un solo où je joue avec l’hybridation dans un effort, peut-être paradoxal, pour échapper à toute identification. Comment exister sans appartenir ? Une platine vinyle est mon unique partenaire sur scène, voix de ma figure bâtarde, à la fois multiple et unique, vague et précise, anonyme et nommable, commune et solitaire. »

La bande son de « BSTRD », la performance de Katerina, a été composée par Katerina Andreou en collaboration avec Eric Yvelin. Plus d’infos sur ce projet ici : https://katerinaandreou.com/bstrd/


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