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L’exposition d’Ernest Pignon-Ernest qui vient de finir a attiré cent mille visiteurs. Si elle a montré une fois de plus le talent de l’artiste, les thèmes explorés ont été mis en forme dans une scénographie particulièrement originale de Jean de Loisy, le Commissaire de l’exposition.

Comment avez-vous abordé et élaboré cette exposition ?

Jean de Loisy : Ce qui m’a intéressé, c’est de montrer ce qu’Ernest partage, et derrière ce mot, il y a une façon de faire pour partager une intuition ou une situation qu’il découvre qui peut être un simple dessin parfois fait avec une tache avec une virtuosité parfois hallucinante et se mettre dans une situation de perdre ou en tous cas d’abandonner sa virtuosité pour parvenir à une image plus facile à partager. Par exemple, pour les cabines téléphoniques, il part d’une tache particulièrement synthétique dans laquelle on voit que l’artiste a un langage extraordinairement personnel, difficile à partager parce que ce n’est pas un langage commun, et donc qu’il s’oblige, et c’est une ascèse très complexe, à parvenir à un dessin plus traditionnel, plus reconnaissable pour que ça puisse être partagé. Et, au fond, toute l’exposition est faite là dessus. 


Elle commence par ce qu’est être homme, c’est pour cela que j’ai voulu commencer par « Ecce Homo », puis par les misères faites à chacun dans les années 70 : l’avortement,  les expulsés, la souffrance au travail, etc. C’est pour cela qu’il y a autant de photographies.


Quand il colle à Soweto, il colle avec les habitants, travaille avec eux, quand il est dans le marché, qu’il colle les portraits de Mahmoud Darwich, il ne leur demande pas, mais spontanément le partage marche parce qu’il y a un retour, une rétribution de ce partage, ils vont se mettre spontanément à lire les poèmes de Darwich, et donc le thème du partage qui est le thème de l’exposition est peut être la meilleure méthode.


L’exposition présente de très nombreux niveaux de lecture de chaque œuvre : de la simple tache aux croquis « jetés » ou aux dessins extraordinairement élaborés, des sérigraphies collés sur les  murs aux photographies de détail ou couvrant des murs entiers, des installations grandioses (les Saintes, Pasolini, Artaud), jusqu’aux grands tableaux lumineux… Comment les avez-vous conçu ?

Jean de Loisy : D’abord, il se trouve qu’Ernest pense avec la photographie avant, pendant et après, et que c’est un très exceptionnel photographe et qu’on s’aperçoit quand il prend ses photos qu’elles sont parfaitement composées, on sait quelles perspectives il a voulu inventer et c’est quelquefois à quelques centimètres près. La deuxième chose, c’est que c’est intéressant de montrer les photos : on ne peut pas voir les dessins que pour eux-mêmes, sans voir les situations, on est obligés de montrer les situations. Comme ces photos sont élaborés, il y en a quelques unes comme celle d’Artaud, par exemple, où on arrive en dispersant l’image à être plus près de lui à réagir à telle anfractuosité du mur, telle imperfection et on voit la création en train de se faire.


Relever l’immense talent de photographe d’Ernest est remarquable tant la fascination pour son extraordinaire virtuosité au dessin a tendance à escamoter ses autres approches : historiques, sensuelles, sociologiques, philosophiques et par dessus tout, poétiques, pour aller au delà de ce qui peut être dit. 


Chaque espace nous immerge dans un thème (,,,,) : un texte court pour encadrer les images, puis une multitude de dessins et de photographies qui se répondent pour nous faire comprendre à la fois les raisons pour lesquelles ils ont été réalisés et les situations dans lesquelles ils ont été réalisés… L’œuvre et son making off. 

Les thèmes se succèdent avec une grande fluidité, suivant les méandres de la pensée de l’artiste et de ses actions à travers le temps.


Le soir, au cinéma Les Studios de Brest, projection du film « Francis Bacon / Ernest Pignon-Ernest : Échanges »,  produit par la Francis Bacon MB Art Foundation, devant une salle comble. Un riche débat a suivi avec Ernest, Yves Peyré et tous les spectateurs.

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