Home


Rinocerii au Théâtre des Halles

Une grande et belle pièce de théâtre avec des acteurs exceptionnels. Pour la première fois, je vois un spectacle venu de Roumanie en roumain (il y a un écran avec les sous-titres, un peu haut peut-être). C’est une pièce de Ionesco, le plus  français des auteurs roumain, mise en scène par Alain Timar. Après Budapest, Séoul et Hong-Kong…, ce spectacle voyage bien.

Cette pièce écrite par Ionesco en 1959 est une critique virulente de la société de consommation. La réalité a depuis rattrapé sa fiction. Le citoyen a perdu le sens de ce mot lié à la cité, il est devenu consommateur. Son identité s’est dissoute. Manipulé quotidiennement par la publicité, il s’est transformé en « rhinocéros ». Son apparence a changé. Pour le montrer, Alain Timar a eu la bonne idée de l’affubler d’un vêtement noir gonflant qui lui donne l’allure d’un bibendum qui a du mal à s’agenouiller. 

L’étonnement devant le premier « rhinocéros » poussant son caddie hyper-chargé, va peu à peu se banaliser et l’épidémie de rhinocerite gagne tout le monde. Seul un individu mal dans sa peau et dans son monde, va se révolter et refuser d’en être.

Présentée comme un théâtre de l’absurde, les œuvres de Ionesco sont plutôt  visionnaires.


Le Radeau de la méduse à la Tache d’encre

Une formidable leçon d’histoire présentée par une prof revêche qui s’adresse à un public-élève. Le naufrage de la Méduse a tourné en boucle à l’époque dans les journaux (BFM TV de l’époque). L’histoire racontée par les treize survivants a rempli d’effroi et d’intérêt malsain le public. Anne Cangelosi le raconte dans ses détail les plus sordides (cannibalisme, rejet à la mer des plus faibles, demi-corps enserré dans les poutres du radeau, etc.). Elle raconte également l’histoire du tableau, comment Gericault s’est entouré de cadavres de l’hôpital voisin pour les peindre, il y a rajouté quelques copains qui ont servi de modèles (dont Delacroix). Elle nous explique comment il s’est attaqué à cet immense tableau de cinq mètres sur sept, ce qui l’a occupé pendant un an et demi après avoir fait une quantité de croquis et dessins préparatoires. Finalement, on aimerait bien l’avoir comme prof d’histoires… On passe un très bon moment où on apprend plein de choses sur ce tableau. La prof nous délivre d’ailleurs un diplôme.


Tu voulais un Coup de foudre ? au BA Théâtre

Trois jeune femmes d’aujourd’hui se retrouvent dans un avion et se font des confidences à propos de leurs problèmes avec les mecs, avec le machisme ambiant, avec leurs propres conceptions qui vont de la libération totale à l’amour absolu pour la vie (faut choisir). Elles balaient ensuite tous les problèmes :  l’anatomie du célèbre inconnu qu’a été le clitoris depuis des siècles (il est encore tabou et objet de persécutions dans une grande partie du monde). Après avoir rappelé rapidement l’histoire de sa découverte et surtout de ses représentations, elle nous le présente en une statue de deux mètres de haut. En fait, sa forme est très proche d’un penis et un même organe de jouissance. Tout est plus compliqué ensuite pour les femmes : les circonstances de la perte de la virginité, la pilule, l’avortement, la maternité, des violences qu’elles subissent… et bien sûr de l’Amour. 

Elles chantent avec l’hôtesse accompagnée de l’air musicienne (violoncelle et claviers), dansent, manifestent, rient, il y a de l’humour, de la dérision, c’est bien écrit et énergique.



Occident Express au Théâtre des Halles

Trois roumains exilés se racontent en français avec accent. Pour eux, plutôt que l’Orient Express, c’est « l’Occident Express » qui les a fait rêver (leur Eldorado) et quitter leur pays. Une femme, un homme jeune et un chauve : Horia Andrei Butnaru, Cristina Florea et Cătălin Ștefan Mîndru jouent de nombreux rôles dans une série de sketches sur l’exil. L’auteur, Matéi Visniec, évoque ce rêve de société d’abondance, de liberté, de consommation, de réussite espérée des populations des Balkans, européens de cœur, mais victimes de frontières infranchissables. Certains d’entre eux les ont franchis et vivent maintenant en Angleterre, en Allemagne ou en France, mais ils continuent à avoir le mal du pays. Dans cette petite chapelle gothique dépouillée, ces trois excellents comédiens qui trimballent chacun leur valise de l’exil nous amusent, nous émeuvent en nous faisant voir et sentir de très près ce que vivent des exilés de l’intérieur de l’Europe.. 



Le Cirque des Mirages-boîte de Pandore au Théâtre des Lucioles

Un grand chanteur à voix puissante et gestes larges (qui fait penser à Jacques Brel) accompagné d’un petit pianiste acteur, nous promènent dans leur sombre univers expressionniste et quasi cinématographique : tueurs en série, cordonnier au triste destin, vente aux enchères d’armes léthales… Yanowski et Fred Parker qui ont commencé leur collaboration à New York en 2000, explorent à travers leurs chansons (qui sont en même temps des sketchs) les bas-fonds de l’âme humaine. C’est noir, puissant, en dehors des codes et poétique.


Akhenaton, la dernière heure d’un pharaon à la Tache d’encre

Akhenaton, la dernière heure d’un pharaon de Alexandre Delimoges, mis en scène par Robert Kiener, William Pasquiet. L’histoire d’Akhenaton revisitée par Alexandre Delimoges, « archéologue contrarié » grand connaisseur de ce pharaon qui a introduit pour la première fois la notion de Dieu unique. C’était entre autres pour se débarrasser de son clergé de scribes qui avaient pris le pouvoir. Très documentée, mais manquant de relief.


Le Misanthrope au Théâtre des Lucioles             

Un Misanthrope rock. Bourré d’énergie et de riffs de guitare, ce moderne Alceste est plus que crédible. Le texte de Molière passe très bien alors que joué dans une temporalité et dans un décor de boîte de nuit. Les acteurs sont efficaces et le Misanthrope est toujours une bonne critique de nos mœurs.


La deuxième mort de Laura la belle au Théâtre de l’adresse

Laura la belle a pris une balle qui lui a effleuré la tête et l’a tenue amnésique. Elle est pourtant au cœur d’une histoire de grand truand que les flics tentent de coincer. Elle avait rendez-vous avec un journaliste quand les balles ont sifflé, il l’a plaqué par terre et sauvé la vie mais s’est pris une balle dans l’épaule. Il tente de lui faire retrouver la mémoire, mais tout se complique…

C’est joué parfaitement par deux acteurs aguerris et une actrice sensible. Tous les codes du roman noir y sont. L’ambiance, la musique, les portes qui claquent, la fusillade et, bien sûr, le dénouement inattendu. Presque du ciné.


The Romeo au Palais des Papes (In)

C’est toujours un plaisir de se retrouver sur les gradins du fabuleux Palais des Papes, mais cette fois-ci, grosse déception, le spectacle de danse a été ennuyeux, incompréhensible (pourquoi ce titre : The Romeo ?, où est Roméo ?), inintéressant et soporifique.


Confessions à la Fabrica (dans le In)

En anglais avec des surtitres placés très haut, les yeux se perdent parfois et les oublient. La densité de la pièce, la présence forte des personnages font qu’on s’attache à eux et qu’on s’y reconnaisse. C’est pourtant la banalité de la vie qui nous est présentée. La vie d’une jeune fille qui se cherche. Elle échoue à ses examens (elle n’est bonne qu’en art) et poussé par sa mère, elle épouse son petit ami alors dans la marine. Ce n’est pas le grand amour, il est insatisfait et elle aussi. Elle rêve d’Europe, d’Italie, d’aller voir les tableaux de Watteau, notamment le Pierrot qui l’obsède. Sa vie ressemble à celle de beaucoup de femmes du milieu du XXe siècle entre vie étriquée et besoin d’ailleurs, de lectures de livres à la bibliothèque et de voyages.  Devenue une femme de quarante ans qui assume ses choix, elle trouve enfin un point d’appui, un homme avec qui faire des enfants et enfin se réalise.  

C’est raconté simplement, sans fioritures ni excès, avec émotion et justesse. Un miroir évident.


Détenus à tout prix  à la Tache d’encre

Thomas Giraud et Valérian Moutawe dégagent une énergie folle. Thomas est le plus fou des deux, limite psychotique, dans le rôle qu’il joue avec Valérian, un rappeur né qui passe son temps à chercher les punchlines. Ils remplissent à ras-bord la petite scène (on sent qu’ils ont besoin de plus d’espace) et leur humour cash déborde. Il faut les suivre… Se retrouvant en zonzon dans une cellule de six mètres carrés, ces deux solitaires vont devoir s’apprivoiser. Et c’est un festival de situations extrêmes, de mots, de chansons hors-normes qui fait plier de rire la salle. Ils en rigolent eux-mêmes, on sent qu’ils s’amusent avec leurs limites. Ces deux-là se sont connus à l’Acting Studio de Joëlle Sevilla et ont fondé la compagnie du Bistanclac avec des amis de leur promo. On va sûrement les revoir bientôt sur des grandes scènes.


On est tous les vieux d’un autre au Théâtre de la Tache d’encre

Anne Cangelosi déguisée en une Tati Danielle vieille, râleuse et raciste est embarqué sans le savoir pour un séjour d’une semaine en Égypte, elle qui n’était jamais partie à plus de vingt kilomètres de sa maison (elle croyait aller pour Paris). Elle raconte ses déboires et ses découvertes lors d’un voyage qui va la changer. Victime elle-même de racisme anti-vieux, elle va progressivement découvrir sa propre bêtise, son ignorance et la gentillesse des égyptiens qui savent respecter les personnes âgées. Elle se rend compte que les voyages forment aussi la vieillesse. Son humour dévastateur et son énergie donnent à ce thème universel une nouvelle couleur. 


Nos histoires au Cabestan 

Une jeune femme et un homme aux vies compliquées, sont victimes de relations toxiques, l’une avec son pervers narcissique de mec, l’autre avec sa mère abusive qui est aussi sa patronne. Lui dessine et rêve d’ailleurs et elle, se rend bien compte que son homme est loin d’être à la hauteur. Ils deviennent amis et se livrent l’un à l’autre. C’est très écrit, subtil et bien analysé.


Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures par Hector Obalk au Rouge Gorge

Il ne tient bien sûr pas sa promesse, mais il fait ce qu’il peut devant son écran géant rempli des peintures les plus belles et les plus célèbres. En un quart d’heure il balaie les grandes périodes de l’histoire de la peinture jusqu’à l’époque contemporaine en sautant de siècle en siècle. Il s’intéresse particulièrement à la description, aux bizarreries des œuvres, aux représentations plutôt qu’aux démarches et aux sens. Plusieurs focus très savants vont suivre : Van Eyke, le père de la peinture à l’huile qui a permis une précision et un grand degré de raffinement, Ieronimus Bosch et son monde fantastique, ses visions hallucinatoires et ses inventions picturales mêlant animaux, végétaux et humains, les assemblant en monstres, en chimères avec une délectation pour les scènes sexuelles, puis Caravage, son clair obscur et sa manière très originale d’éclairer ses personnages comme avec des spots.  

Obalk finit son show par Gilles Aillaud auquel il a consacré un livre et qu’il apprécie particulièrement pour son travail original sur le cadrage et la perspective. 

Laisser un commentaire